Comme une tache de naissance, fumerolles éternelles du volcan qui l’a faite surgir des flots il y a quelques millénaires, les nuages s’accrochent à Madère, tel un voile de coton qui s’effiloche à l’extrême est de l’île, quasi désertique, comme une chape de plomb dès que l’on s’immisce dans ses entrailles verdoyantes.
Très loin des rivages dorés de sa petite sœur, Porto Santo, l’austère Madère est plantée dans l’océan ne laissant aux baigneurs qu’un trottoir de roches noires, surplombées de vertigineuses falaises. Sur le versant sud, autour de Funchal, le sable s’est importé aux abords des ports, plages de poche couleur soleil ; plus au Nord, on relie les rochers entre eux pour aménager des piscines naturelles, qui se remplissent au gré des marées.
Aussi loin que porte le regard, il se dilue dans le vert et l’eau qui s’entremêlent : cascades, ruisseaux, torrents, canaux d’irrigation, rigoles, se ruent du sommet des montagnes vers la mer qui reçoit en gerbes magnifiques ce qui n’est pas intercepté par l’homme.
Le cœur de l’île, traversé de part en part par des tunnels qui ruissellent, gigantesque nuancier de verts, ne laisse apparaitre qu’une présence discrète de la civilisation, regroupée autour de quelques villages ou hameaux isolés.
Autour de la capitale, les plantations de bananiers, juchées sur les espaliers qui attestent des efforts colossaux des premiers colons pour dompter l’inclinaison de la terre, remplacent la canne à sucre qui s’incruste encore au bord des chemins.
Partout ailleurs, la vigne rampe ou s’élève en terrasse, sur les pentes ou les tonnelles. Quelques rares troupeaux se partagent le maquis, seule surface plane perchée sur les plus hauts sommets de l’île.
Deux jours d’incursion dans cet univers resté très sauvage, un peu dépités de ne pouvoir emprisonner la couleur et la vigueur des éléments dans notre boite noire.
Funchal, capitale de Madère |
Au large se profile la silhouette élancée des Iles Désertes, enfants terribles de l’archipel, zone protégée abritant une espèce menacée de phoques moines. Inhabitées, elles n’offrent aux navigateurs attirés par la difficulté aucun abri dès que le vent se lève. Un gardien vient à la rencontre des intrépides munis de leur permis, sésame délivré par l’administration portugaise pour accoster sur la réserve.
Peut-être notre prochaine étape sur la route des Canaries, si la météo nous accorde sa clémence.
Peut-être notre prochaine étape sur la route des Canaries, si la météo nous accorde sa clémence.
Un peu d’histoire
Pendant de nombreux siècles, l’archipel de Madère constituait la limite du monde connu. Même si les Arabes connaissaient son existence, les archives datent la découverte de Madère à l’année 1419, après Porto Santo, par des navigateurs portugais en route pour l’Afrique. Très vite, les portugais colonisent l’île après avoir entrepris une grande campagne de défrichage, brûlant la forêt originelle « la Madeira », qui donna son nom à l’île : une légende parle d’un incendie qui dura plus de sept ans. Les pentes abruptes furent domestiquées pour accueillir la canne à sucre et la vigne, qui a fait la renommée de l’île avec son fameux vin de Madère, tenant son goût particulier du long voyage dans les cales surchauffées des voiliers qui rentraient en Europe. Son histoire reste essentiellement portugaise, malgré des incursions brèves de la France, de l’Espagne et de l’Angleterre, qui tentèrent de se l’approprier.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire