jeudi 21 avril 2011

ULTIMA

Archipel de Chinijo.


Cinq ilots saupoudrés comme de la poussière d’étoiles sur le toit des Canaries : Alegranza, Roque del Oeste, Montana Clara, Roque del Infierno et Graciosa, la gracieuse, seule terre habitée, cerise sur le gâteau canarien, que l’on déguste le plus souvent en entrée, après la toute première traversée, ou, comme d’autres, au dessert, sur le chemin du retour…




Du haut de sa falaise vertigineuse, sa muraille imprenable du Risco de Famara, Lanzarote toise sa petite sœur Graciosa de toute sa hauteur : le destin a uni les deux îles à jamais, et cette intimité ancestrale se noie dans les eaux du bras de mer qui sépare les deux îles, appelé « el rio », le fleuve.




La survie de Graciosa et de ses habitants est liée depuis toujours à la traversée de ce détroit : il n’y a pas d’eau sur ce paradis perdu, et c’était en bateau que les femmes de pêcheurs allaient autrefois s’approvisionner de l’autre côté, à la source adossée à la falaise. Cette falaise qu'elles escaladaient chaque jour de leur vie pour échanger le produit de la pêche contre les denrées qui faisaient défaut à leur morceau de terre aride recouverte de « jable » ou de volcans ; un périple journalier de vingt kilomètres qui les amenaient au village le plus proche sur Lanzarote.

Cette falaise au sommet de laquelle elles allumaient un feu, la nuit venue, pour commander à leur mari la traversée du retour. Cette falaise  dépositaire de l’or blanc, le sel,  utilisé dans la petite conserverie de poisson qui donnait aux habitants de Graciosa leur première source de revenus, au tout début de leur installation sur l’île, en 1880.



Peu de choses ont changé depuis ce temps-là sur Graciosa.
La fabrique de salaisons a fermé, les salines de Famara ne sont plus exploitées.
Les habitants sont restés.
Ils sont aujourd’hui aussi nombreux qu’en 1960 où l’île a recensé quelques 650 « graciosains ».



Un conduit apporte maintenant l’eau sous le détroit et le portable a remplacé les feux allumés sur la falaise qui prévenaient, selon un code très précis, les habitants de l’îlot d’événements familiaux survenus sur Lanzarote.

La principale source de revenus reste la pêche, même si quelques restaurants et logements saisonniers ont fleuri sur le port de Caleta de Sebo, seul village de Graciosa, où la plage s’insinue dans les rues, dorées comme le sable qui les recouvre.


Les anciens arborent contre vents violents et grandes marées leur chapeau tressé en forme de volcan. Comme un rituel immuable, ils sortent leur barque à l’aube à la rencontre de leur vieux complice, « el rio ».








Seule concession à la modernité, une impressionnante collection de véhicules tous terrains, convoyés depuis Lanzarote à dos de bateau de pêche…










Il n’y a pas de routes ici, seulement des pistes, et lorsque les 4x4 promènent leurs touristes d’un bout à l’autre de l’île, soulevant des gerbes de poussière blonde, Graciosa se donne un air de safari africain, petit bout de savane au milieu de l’océan.



Difficile d’imaginer les conditions de vie misérables de ces « pauvres pêcheurs » d’autrefois, qui couvraient leurs maisons d’os de baleine ou de débris de bois ramenés par la mer : on vient aujourd’hui à Graciosa pour sa douceur de vivre, ses plages désertes, son ambiance un tantinet new age.





On dit que certaines personnes sensibles souffrent d'angoisse face à ce colosse de roche ; mais il suffit de tourner le regard, faire quelques pas, et d'autres horizons s'ouvrent, infinis et libérateurs...






Avec toute notre amitié pour Eve-line et Jean-Claude, qui nous ont tenu la main, aux Baléares, pour notre départ vers le grand océan... et qui nous ont rejoint pour "boucler la boucle"...













... et pour Marisa, Chuchi, Elena et Miguel, nos amis de Salamanca, sans lesquels l'Espagne ne serait pas tout à fait l'Espagne...





Demain, le retour et l'adieu au îles Canaries.
Merci.








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