mercredi 22 décembre 2010

NOUS AUSSI ON A LA NEIGE

Le Teide, point culminant de l'Espagne


Décembre,
L’heure du bilan.

Je passerai sous silence les six premiers mois de l’année, enfouis au plus profond de mon esprit qui résiste aux réminiscences des temps anciens, autrement dit : La Banque.

Restent six mois de vacances, de dérive, d’oubli. Six mois de repli sur soi, de voyage autour de son nombril : opération de déconnexion réussie. Objectif largage des amarres : atteint.
Six mois de temps qui passe, de temps que l’on sent passer, que l’on arrive à apprivoiser. Le temps de rien, celui de lire, d’écrire, de flâner, de s’interroger, se jauger, s’imaginer. Un luxe.
Six mois d’intimité partagée, habitacle mouvant au gré de la houle et de notre humeur, vie à la colle forte,  sans jamais se quitter, se perdre de vue, ballottés dans notre pré carré. Un succès.
Six mois de découverte, de notre capacité à endurer, de nos limites à ne pas dépasser. Et, à chaque fois, le plaisir mêlé d’appréhension : celui de débarquer dans l’inconnu.  Même si nous restons en Espagne, très civilisée, balisée, parfaitement maîtrisée,  arriver par la mer nous emplit d’une agréable bouffée d’autosatisfaction : nous y sommes arrivés. Effet de surprise qui ne manquera pas d’alerter ceux qui nous aiment et nous suivent mais ne nous voilons pas la face : un banc de cachalots, une mini-tornade non annoncée, un cargo pas signalé, un container qui aurait glissé ou un capitaine qui s’endort sur son chalutier : tout peut arriver…

Et puis il y a les « autres » : ceux qui sont restés, nous ont veillés, aidés, assistés ; toujours présents, branchés à l’écoute de nos besoins, nos questions, partageant nos engouements et nos faiblesses. Comment vous remercier ?

Il y a ceux qui auront peuplé cette vie entre parenthèses : sentiment d’urgence toujours, on est dans l’intervalle qui ne durera pas, les exercices d’approche ne sont pas de mise : très vite on se parle, se confie, se livre ; et puis le départ comme un abandon, à chaque fois un pincement au cœur, un sentiment de plus jamais. Un tiraillement  aussi,  celui de l’envie : là-bas n’est pas pour nous, mais d’autres iront,  plus courageux, plus décidés. 
On les suivra sur leur blog, à notre tour attentifs à leurs déplacements, leurs photos, leurs aventures.  Nos amis suédois ont traversé : Jan a retrouvé son épouse à la Barbade tandis que Per a repris, deux jours après son arrivée, le chemin inverse par avion pour retrouver la Suède et un nouveau départ ; aux dernières nouvelles, Heidi et Udo étaient toujours coincés aux Canaries par un enchainement de dépressions ; nos jeunes amis du Baiser du Cachalot se sont attardés sur les côtes africaines, Sam doit être au Brésil, Marcus et Anne en route pour le Panama, Fleur de Lys sur l’île de Sal, Archipel du Cap Vert où les attendaient  Jean-Pierre et Fanchon, dans les starkings blocs pour la traversée. Il y aussi Céline et Mathieu, Romain et Yann bien remontés, mais pas tout à fait prêts...

On n’oubliera pas ceux que l’on a toujours connu ou c’est tout comme, Carlos et Raquel,  rencontrés à La Palma, nos amis à la vie. Ils nous ont ouvert leur maison, fait goûter les fruits de leur jardin, pris par la main pour nous intégrer dans leur vie, leur île, leur quotidien.  Merci  à tous les deux.



IcI Bettyzou, Las Galletas, isla de Tenerife
Joyeux noël à tous, que notre amitié vous accompagne.

samedi 4 décembre 2010

K rême en Canarias


Ne pas se laisser aspirer par les croyances établies




Prendre du plaisir, profiter de la vie



Pêcher, deux gourmands disent




Rester au port, regarder partir les gâteaux

Se laisser aller sur les flans


Du volcan, le choc est là



Donner des éclairs, regarder de haut



Braver la tempête, être dans le vent



Ni jésuite, ni religieuse n'en réchappera





lundi 22 novembre 2010

GOMERA COLOMBINA





C’est une histoire d’amour : celle de Gara, jolie princesse de la Gomera, qui tomba amoureuse de Jonay, fils d’un roi de Ténérife. Un jour, Jonay nagea à l’aide de peaux de chèvre gonflées, de Ténérife à La Gomera, pour rejoindre sa dulcinée. Mais les parents des jeunes amoureux, terrifiés par les mauvais présages du Teide en fumée, s’opposèrent à cette relation. Alors, Gara et Jonay s’enfuirent sur la plus haute montagne de l’île où ils furent poursuivis.
Pris au piège, ils aiguisèrent les deux extrémités d’un bâton, l’appuyèrent sur leur poitrine et s’embrassèrent pour mourir ensemble, plutôt que de vivre séparés. C’est cette légende guanche aux accents de tragédie grecque qui a donné son nom à la montagne la plus haute de la Gomera et au parc national qui s’étend sur tout le centre de l’île, le Garajonay.

El Monteverde

C’est une histoire vieille comme le monde : celle d’une forêt éternelle, « la laurisylve », au cœur de l’île de la Gomera, qui recouvrait, il y a quelques millions d’années une grande partie de l’Europe. Aujourd’hui disparue dans le bassin méditerranéen, elle garde en elle les reliques d’un monde ancestral, peuplé d’espèces animales et végétales préservées par l’isolement insulaire.



C’est une histoire de souffle : celui du berger gomero qui parle de son troupeau et de ses bêtes égarées avec son alter ego, de l’autre côté de ravins gigantesques, en «silbo», langage sifflé, système de transmission à longue portée unique au monde. Moyen d’expression encore étudié au collège et déjà utilisé par les premiers aborigènes qui peuplaient l’île de la Gomera.




C’est une histoire avec un grand «H» : celle d’un navigateur qui fit escale au petit port de San Sebastian de la Gomera un jour de septembre 1492, pour se ravitailler en eau et en vivres avant d’entreprendre la grande traversée vers les Indes.

San Sebastian, el puerto


Histoire d’amour encore, celle qu’il vécut, dit-on, avec l’épouse du gouverneur, dame d’honneur de la Reine d’Espagne, amour qui motiva ses passages sur l’île. Encore une « Casa Colomb » à visiter, mais, au risque de décevoir le chaland, l’aimable guide avoue qu’elle ne l’a accueilli que quelques nuits…  Depuis Porto Santo, archipel de Madère, toute une vie n’aurait pas suffit à Christophe Colomb pour habiter toutes les maisons qu’on lui prête… 

Mais nous sommes ici sur «l’île Colombine », alors…



San Sebastian


















Ténérife à gauche, Gomera à Droite






C’est une histoire d’îles, encore et toujours : celle que l’on visite et celles que l’on aperçoit, visions quasi spectrales lorsque la brume estompe les reliefs ; celle que l’on regrette et que l’on scrute avec nostalgie ou la belle inconnue qui reste à découvrir : le Teide, point culminant des Canaries mais aussi de l’Espagne, troisième plus grand volcan du monde, toise depuis Tenerife toutes les îles environnantes. A une poignée de miles de La Gomera, il arrive parfois que le brouillard enveloppe jusqu’au sommet ce pic majestueux et efface comme par magie toute l’étendue de cette terre si proche.


Vue sur le Teide, Tenerife






Hermigua

C’est l’histoire d’un éternel printemps : les habitant d’Hermigua, petite bourgade nichée dans le creux d’un « barranco » qui s’ouvre sur la mer, bénéficieraient, selon un éminent comité de météorologues, du meilleur climat de la terre.





 Au plus fort de l’hiver, le thermomètre ne descend pas en dessous de 18 degrés tandis que l’été culmine à 27. La nature n’en finit pas de s’y prélasser, la vigne côtoie «el platano» et le palmier dans une explosion de verdure. De la douceur, encore et toujours.












C'est une histoire sans fin, enfin :  encore une île magnifique, unique... 


Agulo
Puerto de Santiago

Valle Gran Rey

Mouillage à Valle Gran Rey








Et, en exclusivité pour les lecteurs de Bettyzou, la première daurade coryphène du Kpitaine :




A bientôt !


mardi 9 novembre 2010

QUIZZ


La Macaronésie, c’est …


Une maladie tropicale causée par l’absorption de macarons au chocolat Ladurée, qui se manifeste par un ralentissement significatif du transit intestinal


②  Un arbre à pâtes, espèce endémique des Iles Canaries, dont les fruits sont consommés par les indigènes après cuisson dans une sauce rougeâtre


Un archipel de l’Océan Atlantique composé des Iles des Açores, de Madère, des Canaries et du Cap Vert.




Réponse : 3 – La Macaronésie, du grec ancien qui signifie « îles fortunées » ; terme utilisé par les anciens géographes pour désigner les îles situées au-delà du Détroit de Gibraltar.

mardi 2 novembre 2010

FLEUR DE VOLCAN

¿ Cómo vive esa rosa que has prendido junto a tu corazón ?
 Nunca hasta ahora contemplé en el mundo junto al volcán la flor (G.A.Becquer)




El Hierro : « le fer» en espagnol.
Rien à voir : il n’y a pas une once de fer dans le sol volcanique de cette septième merveille des Canaries. Son nom viendrait du «hero», «lait» dans l’ancien langage canarien ; étonnant pour cette île aux mille cratères, fleur de volcan.





La Restinga, la quatrième ville



Qui connait El Hierro, limite du monde connu jusqu’au 15ème siècle, antipode de l’Espagne au large du continent africain ? Quel esprit tourmenté irait se perdre sur ce triangle de lave perdu au milieu de l’océan, qui résiste aux navigateurs, leur imposant des conditions pour le moins inhospitalières : mouillages peu sûrs et ports inaccessibles par gros temps, dénués de toute espèce de « commodités » ? Quel intérêt trouverait-on à se perdre dans ce trou à quatre villes, trois routes, deux phares, alors que le monde regorge de petits paradis qui nous ouvrent grands leurs petits bras accueillants ?











Grave erreur de jugement : El Hierro est une perle noire, un bijou qui se mérite.
Son intérêt ne se mesure pas à sa taille : Punta Orchilla, à l’extrémité occidentale de l’île, désignée comme « méridien zéro » par Ptolomée, au deuxième siècle de notre ère, jusqu’à qu’il soit remplacé par celui de Greenwich, en 1884 ;


Le Phare d'Orchilla, extrême occidental de l'Espagne


 « El Golfo »,  comme arraché par une mâchoire de géant, un flanc entier de l’île a glissé dans les fonds océaniques, éboulement de 300 km3 qui aurait provoqué, il y a 50 000 ans, une vague de 100 mètres de hauteur ;






 ses plaines verdoyantes, comme un clin d’œil écossais sous les Tropiques, ses cratères reconvertis en potager, le plissement de ses champs de lave, étrons géants de dragons endormis…
















Je me répète, me direz-vous, je ressasse, je brode, j'en fais des tonnes.

Eh bien je persiste et je signe : chaque île visitée au cours de notre périple houleux vaut largement le détour et mérite le mal de mer qu’on se donne. Chaque île abordée se distingue de celle que l’on vient de quitter avec regret. Chaque île est unique, livrant ses secrets à ceux qui lui accordent un peu d’attention, du temps surtout : celui du vagabondage et de la découverte. Il ne faut pas être pressé, ne pas avoir de routes à prendre, d’alizés à surveiller.

Hôtel Las Puntas, le plus petit du monde...

Voilà pourquoi je n’ai aucun regret, aucune arrière-pensée lorsque je vois partir tous ces bateaux candidats au grand large, se préparer les équipages à la grande traversée ; un an aux Canaries, me direz-vous, mais quel gaspillage de temps, quel tour du rien du tout pour un si beau projet, quel manque d’appétit pour l’aventure !


Quittant la Méditerranée avec un soupçon d’inquiétude pour une autre mer où il ferait toujours chaud, nous avons un instant douté de notre choix : un an aux Canaries, n’allions nous pas nous lasser, tourner en rond pour ne pas tourner autour du monde, regretter les mouillages abrités de nos îles Baléares, la Tunisie ou bien la Grèce que nous avons remisées pour d’autres échappées ? Allions-nous retrouver les fonds cristallins auxquels nous sommes habitués, avec cette houle qui remue le sable comme un shaker ?




La réponse est là, chaque jour, sous nos yeux, avec les fonds sous-marins de La Restinga, El Hierro, ces poissons incroyables, aux yeux de nounours, les larmes de lave qui pleurent dans l’océan, les étendues de bananes, d’ananas, comme des mers végétales, ces montagnes tout à coup qui surgissent et nous immergent dans un autre milieu, le thermomètre qui chute, l’hiver à côté des Tropiques, l’accent canarien si doux…





Plantation d'ananas





Non, aucun regret, si ce n’est celui de voir le temps s’écouler, trop vite, trop près du retour déjà, alors qu’une douce indolence nous enveloppe, après ces quelques premiers mois de faible résistance. Aucun regret vraiment, nous avons retrouvé notre « temps », nous le prenons, le passons, le trouvons enfin.


La bonne "surprise" d'El Hierro"