C’était hier.
Presque un an.
Nous partions essuyer nos plâtres d’Atlantique et recevions notre baptême de l’eau dans le grand bénitier de l’océan. Ce fut un baptême salé.
De terre perdue en terres vingt fois retrouvées, nous avons égrené le chapelet des Iles Fortunées et n’en sommes pas revenus.
Ou plutôt si. Nous en sommes revenus.
Moins innocents, avertis de la houle qui allait nous submerger, la nausée nous faire chavirer, l’insomnie nous terrasser.
Petite flotte déjà mouillée, plaisanciers à la petite semaine et au fragile estomac, nous avons vaillamment repris le chemin à l’envers, deux pas en avant, un pas en arrière, repoussant de nos petits bras musclés et déterminés le courant qui nous portait au Sud, vers ces Canaries que nous n’aurions jamais dû quitter.
Nuits interminables dans l’attente du prochain quart qui ramène sous la couette, instant béni où l’on goûte le fruit défendu du sommeil sans trêve.
Frayeurs nocturnes lorsqu’on se prend à imaginer un calamar géant, jaillir des profondeurs abyssales ; sensation de vertige sur ce toit du monde sous-marin de plus de quatre mille mètres. Monstres d'acier qui nous frôlent, suivant leur route à l'aveugle.
Offensives cadencées et implacables des vagues qui nous boulèguent, comme un tirage du loto sans numéro sortant.
Supplice du cabinet d’aisance où le front se fracasse contre la porte d’en face, tandis que le dos subit les assauts répétés de l’abattant qui refuse de se soumettre.
Repas à l’auberge de la nouille qui danse et au grain de riz qui voltige. Les Choses prennent vie dans ce monde chaotique et désordonné…
Entraînement intensif dans notre centrifugeuse nautique : nous voilà prêts pour une mission dans l’espace…
Nos amies les plantes, qui se sont accrochées aux branches |
Mais nous oublierons bientôt ces sept jours les plus longs de notre modeste odyssée maritime, et n’en retiendrons que le meilleur, lorsque la nostalgie du voyage et le vague à l’âme du retour étreindront nos petits cœurs de marins d’eau douce : l'arrivée sur le détroit, Gibraltar de l'autre côté cette fois, au tournant de l'Afrique, sous les lumières de Tanger...
La houle s'est arrêtée pour nous, ouvrant sa voie royale vers la fin notre aventure océane.
C’est la complainte du Bettyzou.
L'histoire de trois galériens de la plaisance qui ne supportaient pas la mer mais tenaient à leur morceau de bravoure…
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